En juillet 2020, Pavel Durov, cofondateur du site web de réseautage social VKontakte ainsi que de l'application de messagerie Telegram, a émis le souhait qu'Apple autorise les utilisateurs d'iPhone à installer des applications depuis d'autres sources que l'App Store d'Apple. En fait, il voudrait plus que cela : il a demandé une loi pour contraindre Apple à le faire.
Dans un billet de blog, il a parlé des menaces de suppression de l’application Telegram sur l’App Store qui ont contraint son entreprise à « supprimer le catalogue de jeux Telegram que nous avions déjà créé et la quasi-totalité de l'interface de la plateforme ». Il a également expliqué en quoi Apple abusait de sa position dominante, ne manquant pas de souligner que « Les développeurs de services numériques n'ont jamais été aussi impuissants. Même à l'ère de l'hégémonie complète de Microsoft sur le marché des systèmes d'exploitation dans les années 1990, les développeurs d'applications étaient libres de distribuer leurs programmes Windows sans payer un pourcentage de leurs revenus à Microsoft ».
Cette fois-ci, Andy Yen, co-fondateur de ProtonMail, a pris la parole pour manifester son ras-le-bol, affirmant qu’Apple « utilise son monopole pour nous prendre tous en otage » :
« L'iOS d'Apple contrôle 25 % du marché mondial des smartphones (les 75 % restants sont largement contrôlés par Android de Google). Cela signifie que pour plus d'un milliard de personnes (en particulier aux États-Unis où leur part de marché approche les 50 %), le seul moyen d'installer des applications est via l'App Store. Cela donne à Apple une énorme influence sur la façon dont les logiciels sont créés et utilisés dans le monde.
« L’expression la plus néfaste de ce pouvoir est peut-être la taxe exorbitante de 30 % imposée par Apple aux développeurs, qui fait désormais l’objet d’enquêtes antitrust aux États-Unis et dans l’Union européenne. Pour être clair, il s’agit d’une taxe énorme qui serait intolérable dans des conditions normales de marché, mais c’est particulièrement dommageable si vous proposez un produit en concurrence avec Apple. Il est difficile de rester compétitif si vous êtes obligé de payer à votre concurrent 30 % de tous vos gains.
« Apple tente de justifier ces frais en faisant valoir que l'App Store n'est pas différent d'un centre commercial, où les entreprises cherchant à offrir leurs produits doivent payer un loyer au propriétaire du centre commercial (dans ce cas, Apple). Cet argument ignore commodément le fait qu'il n'y a qu'un seul centre commercial en ce qui concerne iOS et aucune possibilité pour un centre commercial concurrent de louer de l'espace. Il n'est pas illégal pour Apple de posséder un centre commercial et de louer un espace, ni de posséder le seul centre commercial. Ce qui est illégal, c'est l'exploitation du fait qu'il possède le seul centre commercial à facturer des prix excessivement élevés, ce qui nuit à ses concurrents.
« Ceci est pratiquement impossible à distinguer d'un chantage à la protection (extorsion d'argent perpétré par un groupe de malfaiteurs en vue d'assurer la protection de commerçants au moyen de menaces ou d'actes d'intimidation) : c'est une redevance que les développeurs doivent payer s'ils veulent continuer d’avoir des activités. Et ce sont des frais qui nuisent en fin de compte aux consommateurs, car ces frais sont indirectement répercutés sur les utilisateurs, soit par des prix plus élevés, soit par le biais de moins de produits concurrents sur le marché ».
Proton Mail a évoqué le cas d’applications menacées d’être supprimées de l’App Store si elles refusaient de proposer des achats intégrés pour des fonctionnalités payantes disponibles à l’achat ailleurs : « En d'autres termes, Apple veut profiter de près d'un tiers de vos ventes, que vous souhaitiez ou non vendre sur leur plateforme. C'est précisément ce qui s'est passé avec Proton ».
Andy Yen note qu’Apple aide à propager des lois autoritaires dans le monde
Andy Yen s’est également intéressé à une autre dimension :
« Bien qu'il soit inapproprié (et illégal) de tirer parti de la domination du marché à des fins anticoncurrentielles, tirer parti de ce pouvoir pour supprimer la liberté numérique est tout simplement contraire à l'éthique, et il se fait attendre depuis longtemps quelqu'un qui puisse le rappeler à Apple. En tant que témoins de première main de ce comportement, nous pouvons partager notre histoire.
« En janvier 2020, ProtonVPN a soumis une mise à jour de la description de son application iOS dans l'App Store. La nouvelle description mettait en évidence les fonctionnalités de ProtonVPN, notamment la possibilité de ‘débloquer les sites Web censurés’ avec l'application.
« Même si ProtonVPN était dans l'App Store depuis 2018 et que les fonctionnalités de base de notre VPN n'ont pas changé, Apple a brutalement rejeté la nouvelle version de l'application et a menacé de supprimer complètement ProtonVPN. Ils ont exigé que nous supprimions ce langage anti-censure au motif que la liberté d'expression est gravement limitée dans certains pays. Les options devaient être conformes aux politiques de l’App Store sous peine de se trouver supprimées de la vitrine. Ce qui est le plus troublant, c'est qu'Apple a demandé la suppression du langage autour de la censure dans TOUS les pays où notre application est disponible, répondant en fait à la demande de gouvernements autoritaires même dans les pays où la liberté d'expression est protégée.
« Il est vrai que dans des pays du monde entier, comme la Chine, le Soudan du Sud et l'Arabie saoudite, la liberté d'expression est en effet sévèrement limitée et des milliers d'activistes ont été tués ou emprisonnés pour avoir osé s'exprimer. Cependant, en concédant aux tyrans et en appliquant le plus petit dénominateur commun, Apple ignore les droits de l'homme internationalement reconnus et renonce aux progrès dont nous jouissons tous et que les militants ont payés de leur vie.
« L'une des plus grandes menaces à la démocratie et à la liberté au XXIe siècle est la censure d'Internet, et à cet égard, les VPN sont l'un des meilleurs outils disponibles pour donner aux gens l'accès à des sources indépendantes d'informations précises. La libre circulation des idées - avec le droit de garder vos idées privées - est l'un des premiers principes de la démocratie.
« Il s'agit apparemment d'un principe auquel Apple ne croit plus. Par exemple, Apple se conforme volontairement aux lois chinoises qui restreignent l'accès des utilisateurs à des milliers d'applications et qui obligent les entreprises étrangères à stocker les données de leurs citoyens dans le pays et à les mettre à la disposition des autorités. Même Google est allé plus loin pour résister à une telle pression chinoise.
« Ce que nous trouvons inacceptable, cependant, c'est qu'Apple utilise sa position dominante sur le marché pour forcer également d'autres entreprises, qui pourraient autrement être prêtes à prendre position, à être également complices de violations des droits de l’homme. Cela va au-delà de la limitation de notre capacité à lutter contre la censure avec notre application.
« En Chine, Apple a censuré des plateformes d'information telles que le New York Times et Bloomberg News, tandis qu'à Hong Kong, il a bloqué l'accès à l'application HKMaps qui soutenait les manifestations pour la démocratie locale. Il a également accepté de supprimer des dizaines d'applications, y compris des podcasts, qui, selon la Chine, violent les lois de censure locales.
« Dans le cadre de la mission de Proton de rendre la vie privée et la liberté numérique universellement accessibles, nous avons développé ProtonVPN, le premier service VPN gratuit et illimité au monde qui ne suit ni n'enregistre l'activité des utilisateurs. Nous sommes en première ligne de la lutte mondiale pour la liberté et nous nous sommes récemment classés troisième dans l'App Store de Hong Kong lors des manifestations pour la liberté à Hong Kong. En censurant la description de l'application ProtonVPN afin de se conformer aux demandes du gouvernement autoritaire, Apple rend de plus en plus difficile aux gens d'exercer leurs droits humains fondamentaux et envoie un signal clair que les profits passent avant les gens. »
Source : Proton Mail
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Andy Yen, co-fondateur de ProtonMail, affirme qu'Apple "utilise son monopole pour nous prendre tous en otage"
Et encourage les devs à prendre position pour "la création d'une société plus équitable"
Andy Yen, co-fondateur de ProtonMail, affirme qu'Apple "utilise son monopole pour nous prendre tous en otage"
Et encourage les devs à prendre position pour "la création d'une société plus équitable"
Le , par Stéphane le calme
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