Facebook et Google tirent une grande partie de leurs chiffres d’affaires de la publicité, un marché de plusieurs milliards de dollars par an. Il est alors primordial pour ces grandes enseignes de s’assurer de la bonne santé de cette activité. Si Google détient Android et que les règles de confidentialités ne sont pas aussi hostiles à la publicité, ce n’est pas le cas pour Apple et iOS. L’entreprise entend faire de sa plateforme le système d’exploitation le plus sûr sur le marché pour ses utilisateurs et cela met des bâtons dans les roues de certains.
En règle générale, grâce aux technologies utilisées, les annonceurs peuvent savoir qu'une personne qui achète un produit à un certain endroit en ligne y a été conduite par une publicité, par exemple dans un jeu. Avec iOS 13, les annonceurs peuvent utiliser un numéro d'identification unique appelé IDFA (Identifier For Advertisers – identifiant pour annonceurs) afin de mieux cibler les publicités et estimer leur efficacité. Pour rappel, il s’agit d’un numéro d’identification unique du terminal chiffré, qui est attribué par le système d’exploitation ; l’IDFA sur iOS et l’AAID sur Android. Mais iOS 14 prévoit que chaque application qui souhaite faire usage de ces identifiants demandera aux utilisateurs d'opter pour le suivi lors du premier lancement de l'application.
Précisons que Facebook refuse d'utiliser le système IDFA d'Apple. Sur la base de ce qu'il collecte pour les données utilisateur avant le déploiement du système IDFA, la décision a probablement été prise, car son utilisation et le respect des conditions d'utilisation d'Apple empêcheraient Facebook de collecter autant de données sur ses utilisateurs qu'il le fait actuellement.
En clair, les paramètres de confidentialité d'iOS 14 vont permettre de réduire le ciblage publicitaire des entreprises. Facebook l’a bien compris et a déclaré que cette mise à jour allait gravement nuire à une partie de ses activités, dont le suivi des utilisateurs.
Le directeur financier de Facebook, Dave Wehner, a déclaré en juillet qu'il s'attendait à voir un impact dans les bénéfices suite à cette initiative. Plus précisément, Wehner a déclaré qu'iOS 14 allait « rendre plus difficile la croissance des développeurs d'applications et autres qui s’appuient sur des publicités sur Facebook et ailleurs ».
En décembre, la société s'attendait à voir un impact de 60 % sur les revenus des annonceurs d'iOS 14, après avoir évoqué auparavant 50 %. Lors de ses tests, Facebook a déclaré que certains utilisateurs exécutant iOS 14 ne voyaient aucune publicité diffusée via son programme Audience Network, ou voyaient des publicités moins pertinentes.
Ce dernier permet aux annonceurs d'étendre leurs campagnes Facebook et Instagram à l'ensemble d'Internet via des milliers d'applications de haute qualité. Audience Network aide les développeurs de logiciels pour les plateformes mobiles à fournir des publicités in-app ciblées aux utilisateurs en fonction des données de Facebook. Facebook prétend qu’il ne serait plus d’aucune utilité si ces paramètres d’iOS 14 venaient à être déployés.
« Les mises à jour prévues par Apple rendraient Audience Network tellement inefficace sur iOS 14 qu'il ne serait pas logique de le proposer sur iOS 14 », a déclaré Facebook dans un billet de blog en août. Facebook estime que plus d'un milliard de personnes regardent au moins une publicité d’Audience Network chaque mois, bien que beaucoup d'entre elles utilisent probablement des téléphones Android et ne seront pas touchées par ce changement. Ainsi, la société craint que les utilisateurs n'optent pas pour le suivi lorsqu'ils en ont le choix.
Quoi qu’il en soit, Apple a voulu donner du temps aux enseignes numériques et a repoussé le déploiement de ces paramètres au début de 2021, accusant Facebook en novembre de « mépriser la vie privée des utilisateurs ».
Des start-ups françaises portent plainte contre Apple auprès de la CNIL
France Digitale, qui représente 2000 start-ups françaises, a déposé plainte ce mardi matin auprès de la CNIL contre Apple, lui demandant de se pencher sur les pratiques de l'éditeur d'iOS concernant l'affichage de publicité ciblée au sein de ses propres services, qui ne seraient pas conformes aux lois européennes.
Des iPhone tournant sur iOS14, Apple collecte diverses données sur l'utilisateur (géolocalisation, historique de recherche et de téléchargements...) afin d'afficher des publicités liées à ses goûts supposés dans l’App Store, Apple News et Bourse. Le hic ? L'utilisateur est considéré comme consentant par défaut. Il doit donc aller dans les paramètres de son téléphone pour désactiver ce ciblage activé par défaut.
Sur une page d'aide, Apple indique : « Ces publicités peuvent apparaître dans l’App Store, Apple News et Bourse. Elles n’accèdent à aucune donnée d’apps tierces. Dans l’App Store et Apple News, votre historique de recherche et de téléchargement peut être utilisé pour vous proposer des publicités de recherche pertinentes. Dans Apple News et Bourse, les propositions de publicités sont en partie basées sur ce que vous lisez ou suivez. Cela inclut les éditeurs pour lesquels vous avez activé les notifications ainsi que le type d’abonnement aux publications dont vous disposez. Les articles que vous lisez ne sont pas utilisés pour proposer des publicités ciblées en dehors de ces apps. Les informations recueillies à propos du contenu que vous lisez sont associées à un identifiant aléatoire, et non à votre identifiant Apple ».
« L'approbation par défaut et présumée par Apple du consentement de l'utilisateur ne saurait être déclarée conforme aux normes européennes en la matière », estime France Digitale dans sa plainte.
Dans la plainte de sept pages, France Digitale fait valoir que si les propriétaires d'iPhone sont invités à indiquer qu’ils sont prêts à autoriser les applications mobiles installées à collecter un identifiant clé utilisé pour définir des publicités de campagne et envoyer des publicités ciblées, les paramètres par défaut permettent à Apple de diffuser ses propres campagnes de publicité ciblée sans demander clairement aux utilisateurs d'iPhone leur consentement préalable.
En vertu des règles de l'UE sur la confidentialité des données, toutes les organisations doivent demander aux visiteurs en ligne s'ils acceptent que certaines de leurs données soient collectées via des traceurs ou d'autres outils. Les mêmes règles donnent également à toute personne le droit de demander des informations sur les finalités de cette collecte de données et sur la manière dont elles sont collectées.
Le lobby allègue également que la fonctionnalité de suivi d'Apple lui permet de partager les données collectées avec des sociétés affiliées sans en informer les utilisateurs à l'avance.
Dans sa plainte, l'organisation estime que les pratiques d'Apple causent « un préjudice significatif » envers les utilisateurs d'iPhone, mais aussi envers « les start-ups françaises qui respectent scrupuleusement les règles posées par le RGPD et craignent subir, pour une partie d'entre elles, un abus de position dominante ». France Digitale appelle la CNIL à « prendre toute mesure visant à faire cesser les pratiques ainsi dénoncées. »
L’organisation note aussi que l’utilisateur n’est pas suffisamment informé du traitement appliqué à ses données personnelles. « Nous ne laisserons pas une insupportable situation de deux-poids deux-mesures s’installer sur le marché de la publicité en ligne! », a déclaré le directeur général de France Digitale, Nicolas Brien. « Si les faits sont avérés, cela voudrait dire qu’Apple se permet sur ses applications des choses qu’il n’autorise pas pour les développeurs d’applications tierces »
« Les allégations de la plainte sont manifestement fausses et seront considérées pour ce qu'elles sont, une mauvaise tentative de ceux qui traquent les utilisateurs pour détourner l'attention de leurs propres actions et induire en erreur les régulateurs et les décideurs », a déclaré Apple dans un communiqué écrit. L’entreprise assure qu’elle ne piste pas ses utilisateurs et qu’elle s’applique à elle-même des règles identiques à celles appliquées aux autres développeurs.
La plainte de France Digitale fait suite à un litige similaire contre Apple déposé par des lobbies publicitaires en ligne français auprès de l'autorité antitrust en octobre dernier. Ils ont saisi l'Autorité de la concurrence pour demander des mesures conservatoires contre l'App Tracking Transparency (ATT), une nouvelle fonctionnalité des iPhone prévue pour ce printemps. Avec l'ATT, les concepteurs d'applications devront demander à l'internaute l'autorisation de partager ses données personnelles avec des entreprises tierces. « Apple dessine l'Internet qu'il souhaite et impose ses règles à un écosystème sans discussion », déclarait le mois dernier Nicolas Rieul, président de l'Internet Advertising Bureau France (IAB).
Sources : plainte, guide de l'utilisateur de l'iPhone
iOS 14, deux poids, deux mesures ? France Digitale attaque Apple devant la Cnil,
L'accusant d'afficher de la pub ciblée au sein de ses propres apps sans le consentement explicite des utilisateurs
iOS 14, deux poids, deux mesures ? France Digitale attaque Apple devant la Cnil,
L'accusant d'afficher de la pub ciblée au sein de ses propres apps sans le consentement explicite des utilisateurs
Le , par Stéphane le calme
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