Saisie en 2012 par eBizcuss, distributeur de produits Apple spécialisé haut de gamme (dit APR pour Apple Premium Reseller), l’Autorité de la concurrence a sanctionné Apple à hauteur de 1,1 milliard d’euros, ainsi que les grossistes Tech Data et Ingram Micro respectivement à hauteur de 76,1 millions d’euros et 62,9 millions. La décision fait suite à des opérations de saisie réalisées aux sièges d’Apple et de ses grossistes et dont le contentieux a pris fin en décembre 2017. Il est reproché à Apple d’avoir mis en œuvre, en France, au sein de son réseau de distribution de produits électroniques (hors iPhone), trois pratiques anticoncurrentielles.
Selon l'autorité, Apple avait accepté de ne pas faire concurrence à Tech Data et Ingram Micro, et avait empêché certains détaillants de baisser les prix de ses produits. Elle a également accusé l'entreprise de limiter la quantité d'iPad qu'elle donnait à certains détaillants par rapport à celle qu'elle donnait à ses propres magasins. L’Autorité a constaté que, de 2005 à mars 2013, Apple avait procédé à des répartitions de produits et de clientèles entre ses deux grossistes, alors qu'ils étaient des entreprises indépendantes. Les autorités françaises ont déclaré que ces pratiques ont en quelque sorte « stérilisé » le marché de gros des produits Apple.
En novembre de l'année dernière, Apple a fait appel de la décision, accusant l'Autorité française de la concurrence de lui infliger une amende essentiellement pour des raisons politiques de lutte contre les GAFA. Dans la foulée, ses grossistes Tech Data et Ingram Micro ont eux aussi contesté leurs amendes. L'avocate d'Apple, Melanie Thill-Tayara, a déclaré devant les juges de la Cour d’appel de Paris que "l’Autorité n’a jamais caché son objectif de s’emparer d’un GAFA". Thill-Tayara a déclaré que les fonctionnaires s’étaient emparés d’une plainte mal rédigée émanant d’un revendeur de produits haut de gamme pour monter un dossier contre Apple.
Environ un an après, des sources proches du dossier ont rapporté ce jeudi que la Cour d'appel a soutenu l'accusation de l'Autorité antitrust selon laquelle Apple a abusé de la dépendance économique des détaillants à l'égard de l'entreprise, mais a rejeté les frais de fixation des prix. La Cour d'appel a également réduit la portée temporelle de l'accusation de restriction présumée de la clientèle des grossistes. Enfin, elle a également décidé de baisser significativement le taux appliqué pour calculer l'amende globale. L'autorité antitrust française avait utilisé un taux élevé en 2020 compte tenu de la taille et de la puissance de feu financière d'Apple.
L'amende a été réduite à 372 millions d'euros (366,31 millions de dollars) contre 1,1 milliard d'euros précédemment. Cependant, Apple a déclaré qu'il ferait appel de la décision. Il n'a pas mentionné le montant de l'amende émise par le tribunal. « Si la Cour a correctement annulé une partie de la décision de l'Autorité française de la concurrence, nous pensons qu'elle devrait être annulée dans son intégralité et nous prévoyons de faire appel. La décision concerne des pratiques datant d'il y a plus de dix ans que même l'autorité (française) a reconnu ne plus utiliser », a déclaré l'entreprise américaine dans un communiqué transmis à Reuters.
Un porte-parole de la Cour d'appel a refusé de commenter le contenu exact de la décision, mais a confirmé que la Cour avait "partiellement confirmé" la décision de l'organisme de surveillance des ententes. Par ailleurs, la France n'est pas le seul pays où Apple fait l'objet d'une action antitrust ; l'Union européenne (UE) poursuit la société pour sa politique en matière d'App Store, ainsi que pour son refus de laisser des portefeuilles tiers utiliser la fonctionnalité NFC de l'iPhone pour les paiements. Bruxelles a également accusé Apple d'avoir prétendument empêché ses rivaux d'utiliser Apple Pay, son système de paiement mobile.
Si les accusations sont confirmées, le fabricant de l'iPhone devrait encourir de lourdes amendes pouvant atteindre 10 % de son chiffre d'affaires mondial. L'affaire, qui a été déposée en 2020, serait l'une des nombreuses enquêtes lancées contre Apple à Bruxelles. En fait, Apple s'est retrouvé dans le collimateur des autorités européennes de réglementation à plusieurs reprises ces dernières années. Fin février 2022, l'autorité néerlandaise de surveillance des marchés (ACM) a infligé à Apple une amende de 5 millions d'euros (montant total : 25 millions d'euros), la cinquième sanction de ce type en plusieurs semaines consécutives.
Cette amende s'inscrit dans le cadre d'un litige sur l'accès à des méthodes de paiement autres que celles d'Apple pour les abonnements à des applications de rencontre. L'ACM a déclaré que le fabricant de l'iPhone abuse d'une position dominante sur le marché en ne permettant pas aux fabricants d'applications logicielles aux Pays-Bas d'utiliser d'autres méthodes de paiement pour les applications de rencontre accessibles via son App Store. L'ACM inflige des amendes hebdomadaires de 5 millions d'euros depuis qu'Apple n'a pas respecté la date limite du 15 janvier pour effectuer les changements exigés par l'organisme de surveillance.
Enfin, aux États-Unis, plusieurs affaires antitrust impliquant Apple sont en cours devant les tribunaux, dont celles intentées par Epic Games et le créateur de l'application Cydia. Dans le cas d'Epic Games, le développeur de la franchise Fortnite accuse Apple d'abuser de sa position dominante sur l'App Store, et l'écosystème iOS en général. Epic Games et ses pairs cherchent à contraindre Apple à réduire sa commission sur les paiements in-app, qui est actuellement de 30 %. Et selon la rumeur, il semblerait que le ministère américain de la Justice envisage également de porter plainte contre le géant technologique.
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