Apple affirme que chacune de ses plateformes a un App Store distinct
Que vous soyez un consommateur souhaitant acheter une application iPhone ou un développeur souhaitant en vendre une, il n'y a qu'un seul endroit où vous pouvez le faire : l'App Store. Apple contrôle totalement les applications qu'elle autorise à entrer dans l'App Store et fixe ses propres conditions - notamment sa commission de 15 ou 30 % - que les développeurs et les consommateurs doivent accepter. De nombreux régulateurs, dont l'Union européenne, considèrent qu'il s'agit d'une violation du droit de la concurrence. Apple n'hésite pas à bannir les développeurs qui remettent en cause son diktat, mais l'UE veut y remédier avec ses nouvelles règles.
Apple se démène comme il peut afin d'échapper aux nouvelles exigences du DMA et de la loi sur les services numériques (Digital Services Act - DSA) de l'UE. La firme de Cupertino craint que les nouvelles règles de l'UE réduisent le contrôle et la domination qu'il exerce sur l'écosystème iOS, notamment l'App Store. Le DMA stipule que les services numériques qui ont plus de 45 millions d’utilisateurs actifs par mois et plus de 10 000 utilisateurs professionnels actifs par an dans l'UE doivent être classés comme "gatekeepers" (ou "gardiens") et sont soumis à une série de règles et d’obligations. En vertu du DMA, l'UE a classé l'App Store d'Apple comme un gardien.
Cela signifie qu'Apple doit autoriser la concurrence sur le marché des applications pour l'iPhone. Apple a été contraint dans un premier temps d'autoriser le chargement latéral des applications sur les appareils iOS, mais le DMA force également l'entreprise à autoriser des boutiques d'applications concurrentes sur l'iPhone. La date limite de mise en conformité est fixée au mois d'avril de cette année. Cependant, Apple conteste la décision de l'UE de classer l'App Store dans la catégorie des plateformes "gardiennes" d'Internet et a fait appel en novembre. Certains des détails de ce recours qui n'avaient pas été rendus publics à l'époque viennent d'être révélés.
La société a déclaré dans son recours qu'elle exploite en fait cinq différentes boutiques d'applications. Lundi, lors d'une audience devant le Tribunal de première instance du Luxembourg, la deuxième plus haute juridiction d'Europe, Apple a déclaré que "l'App Store n'est pas une entité unique et les régulateurs européens ont commis une erreur en le considérant comme tel". Apple a déclaré : « la Commission européenne a commis des erreurs factuelles matérielles en concluant que les cinq App Store de la requérante constituent un service de plateforme unique ». Apple sous-entend que l'App Store de l'iPhone n'est pas le même que celui de l'iPad ou du Mac.
D'après Apple, chacun des cinq App Store est conçu pour distribuer des applications pour un système d'exploitation et un appareil Apple spécifiques. L'argument paraît étrange et certains critiques qualifient cela de complètement "absurde". L'App Store d'iOS a été classé comme un "gardien", car l'UE considère qu'il dispose d'une large base d'utilisateurs. L'argument d'Apple consiste à classer les utilisateurs de l'App Store suivant cinq groupes représentant les cinq plateformes susmentionnées. Et selon les chiffres obtenus, aucun des cinq App Store ne pourrait ne pas répondre aux critères nécessaires pour qu'un service numérique soit soumis aux exigences du DMA.
Le système d'exploitation macOS d'Apple n'a pas été désigné comme contrôleur d'accès parce qu'il autorise les applications provenant de sources tierces et parce qu'il compte moins d'utilisateurs que Microsoft Windows. Cet appel est la dernière tentative d'Apple en vue de soustraire l'App Store à la nouvelle réglementation de l'UE et de sauver les dizaines de milliards de revenus qu'il génère chaque année. Mais encore, en suivant le raisonnement d'Apple, le nombre d'App Store géré par l'entreprise pourrait techniquement bientôt devenir 6, si l'on compte l'App Store visionOS à venir. visionOS est le système d'exploitation du casque de réalité mixte d'Apple.
L'argument d'Apple fait l'objet d'un grand débat dans la communauté
Il est important de noter que la firme de Cupertino n'en est pas à sa première tentative. Apple a déjà tenté de convaincre l'UE que Safari pour iOS, iPadOS et macOS sont trois navigateurs distincts. Cela dit, l'argument a été rejeté l'année dernière, et Safari a été désigné comme "gardien". S'agit-il d'un argument erroné ou d'un plaidoyer désespéré ? Est-il logique ? Firefox est compatible avec Linux, macOS et Windows. Peut-on dire qu'il s'agit de trois navigateurs différents ou qu'ils relèvent d'une seule et même marque ? « On a parfois l'impression que le niveau de conversation de ces entreprises est inférieur à celui d'une école secondaire », note un critique.
Le Google Play Store est disponible pour les téléphones, les tablettes et les téléviseurs Android. Vous pouvez télécharger une application une fois sur un appareil pris en charge, et elle est disponible sur tous vos appareils. Ils sont sous la même bannière. Le client Steam est disponible pour Windows, macOS et Linux. Cela signifie-t-il que Valve dispose de trois boutiques d'applications, une pour chaque système d'exploitation ? D'après les experts, il s'agit d'une seule et même application. Steam est agnostique en matière de plateforme, ce qui signifie que les clients sont censés fonctionner sur plusieurs appareils, mais qu'ils donnent accès à une seule entité.
Il appartient aux développeurs de choisir le système d'exploitation pour lequel ils souhaitent publier leur jeu. De nombreux jeux modernes sur la plateforme prennent en charge les trois systèmes d'exploitation. Vous pouvez donc acheter un jeu une fois et y jouer sur trois machines différentes. Quant aux "App Store" d'Apple, vous pouvez télécharger une application sur votre iPhone et celle-ci est automatiquement associée à votre compte, ce qui vous permet de télécharger la même application sur votre iPad. Tous les cinq App Store sont accessibles à partir du même domaine, "apps.apple.com", c'est-à-dire qu'ils ne sont pas hébergés séparément.
L'interface diffère d'un appareil à l'autre, de même que le contenu disponible pour l'appareil en question. Rappelons que les Mac équipés d'un processeur Apple Silicon peuvent télécharger des applications iOS à partir de l'App Store. Il n'est pas nécessaire de se rendre dans un App Store spécifique à iOS pour obtenir les applications, celles-ci sont accessibles via l'App Store intégré à macOS. En outre, un développeur n'a pas à s'inscrire cinq fois auprès d'Apple pour développer des applications pour les cinq plateformes. Un développeur n'a pas non plus besoin de se connecter à cinq magasins d'applications différentes pour télécharger ses applications.
En tant que développeur, vous accédez à une seule boutique et vous définissez une restriction quant à l'appareil qui peut accéder à l'application. Par exemple, si votre application est optimisée pour les iPhone, elle est exclusive aux appareils mobiles. Si elle est optimisée pour plusieurs systèmes d'exploitation, vous pouvez la rendre compatible avec chacun d'entre eux, et la version correspondante sera disponible pour l'appareil de l'utilisateur lorsqu'il naviguera dans la boutique. Il en va de même pour les comptes d'utilisateur : vous ne devez pas vous inscrire pour un profil sur chaque appareil ou système d'exploitation, ce profil est universel.
Selon les experts, l'argument d'Apple porte probablement sur la manière dont l'App Store est présenté à l'utilisateur sur un appareil spécifique. L'App Store n'est pas simplement dimensionné pour s'adapter à l'écran de l'appareil, il n'affiche que les applications compatibles avec l'appareil en question et le système d'exploitation sur lequel il fonctionne. Ainsi, si vous utilisez un iPhone, il vous permet de parcourir les applications pour iOS, vous ne verrez pas d'applications pour iPad ou Mac dans le magasin. Mais il s'agit simplement de filtrer les applications en fonction de la compatibilité de l'appareil, ce qui ne constitue pas cinq magasins d'applications.
Apple refuse également qu'iMessage soit soumis aux exigences du DMA
L'entreprise a récemment révélé qu'il y avait 123 millions d'utilisateurs actifs de l'App Store en Europe. Outre l'App Store, la Commission européenne étudie également la possibilité de désigner iMessage comme "gardien" en vertu du DMA, ce qui pourrait obliger Apple à rendre son service de messagerie interopérable avec d'autres. La Commission a qualifié iMessage de service de communication interpersonnelle indépendant du numéro et affirme qu'une enquête est nécessaire pour éclaircir les zones d'ombre. Mais des rapports indiquent qu'Apple s'y oppose, affirmant qu'il n'est pas payant ou monétisé par la vente de matériel ou de données personnelles.
Dans ce qui n'est probablement pas une coïncidence, Apple a récemment annoncé que les iPhone seront compatibles avec RCS, une norme multiplateforme présentée comme le successeur des SMS et MMS en 2024. Apple déclare vouloir prendre en charge RCS parallèlement à iMessage, mais l'entreprise continuera à utiliser des bulles bleues et vertes pour distinguer les différentes normes de messagerie. L'impact de cette annonce sur l'enquête de l'UE concernant iMessage n'est pas clair. Le fait d'être désigné comme "service de plateforme essentiel" dans le cadre du DMA entraînerait une série d'obligations pour Apple en ce qui concerne son App Store.
Comme l'explique cette FAQ de l'UE, les gardiens (c'est-à-dire les entreprises qui exploitent des services de plateforme essentiels) ne sont pas autorisés à favoriser leurs propres produits ou services par rapport à leurs rivaux sur leurs plateformes, doivent permettre aux utilisateurs professionnels de promouvoir des services offerts en dehors de la plateforme et ne peuvent pas forcer les développeurs à utiliser des services spécifiques tels que des systèmes de paiement. Ces nouvelles règles pourraient aider à répondre aux principales plaintes formulées par des sociétés telles qu'Epic Games et Spotify au sujet de la manière dont Apple gère l'App Store.
Le fabricant de l'iPhone a récemment déclaré que son App Store comptait 123 millions d'utilisateurs actifs mensuels dans l'UE, dans le cadre de la loi sur les services numériques (Digital Services Act), un règlement distinct, mais connexe. Lorsqu'elle a annoncé, début septembre, sa liste des principaux services de plateforme du DMA, la Commission européenne a également inclus Safari et iOS, ce qui imposera à Apple des obligations tout aussi strictes au niveau du navigateur et du système d'exploitation. Meta et TikTok ont également déposé des plaintes pour contester leur désignation en tant qu'entreprises soumises aux exigences du DMA.
Bien qu'il fasse appel de la décision de l'UE, Apple pourrait être obligé de se conformer aux règles d'ici le 6 mars, le temps que son appel soit traité. L'entreprise a récemment déclaré dans un document qu'elle s'attend à apporter d'autres changements commerciaux à l'avenir, y compris à la suite d'initiatives législatives ayant un impact sur l'App Store. Mais le message n'est pas clair et l'on ignore en quoi consisteront ces changements.
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Cet argument est-il logique ? Ou s'agit-il simplement d'un plaidoyer désespéré ?
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