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Apple contraint d'abandonner le label « carbone neutre » pour ses montres Apple Watch en Allemagne : la décision de justice met à mal la crédibilité des promesses écologiques des GAFAM

Le , par Stéphane le calme

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Apple contraint d’abandonner le label « carbone neutre » pour ses montres en Allemagne :
la décision de justice met à mal la crédibilité des promesses écologiques des GAFAM

Depuis des années, Apple mise sur son image de champion du développement durable, multipliant les annonces sur ses efforts en matière d’énergies renouvelables, de réduction de l’empreinte carbone et de recyclage des matériaux. Mais cette stratégie de communication vient de subir un revers majeur en Allemagne. Le 26 août 2025, le tribunal régional de Francfort a ordonné à Cupertino de cesser d’affirmer que l’Apple Watch est un produit « carbone neutre ». Derrière ce jugement, c’est bien plus qu’un simple désaccord juridique : c’est toute la crédibilité des promesses écologiques des géants du numérique qui est en jeu.

La plainte a été déposée par Deutsche Umwelthilfe (DUH), une ONG allemande particulièrement active contre le greenwashing. Pour elle, la mention « carbone neutre » accolée à la montre connectée d’Apple est trompeuse, car elle repose sur des mécanismes de compensation jugés fragiles, voire artificiels. Le tribunal a suivi cette argumentation, estimant que la firme californienne ne pouvait pas garantir aux consommateurs que son produit n’a réellement aucun impact sur le climat. L’argument central du jugement repose sur l’incapacité d’Apple à assurer la pérennité de ses projets de compensation. Une large part des émissions de l’Apple Watch est censée être neutralisée par un programme de reforestation au Paraguay. Mais, comme l’ont souligné les juges, environ 75 % des terres concernées ne sont garanties par contrat que jusqu’en 2029. Que se passera-t-il après ? Rien n’assure que les plantations perdureront et continueront à stocker du carbone.

Le tribunal est allé plus loin en soulignant la nature même de ces plantations, composées essentiellement d’eucalyptus. Si ces arbres ont une croissance rapide et capturent effectivement du CO₂, ils sont régulièrement critiqués par les scientifiques et les associations écologistes. Monocultures gourmandes en eau, faibles en biodiversité, parfois qualifiées de « déserts verts », elles posent la question de la qualité écologique réelle de la compensation revendiquée. De plus, ces projets sont vulnérables : incendies, coupes prématurées ou changements de destination des terres peuvent annihiler des années d’efforts en quelques semaines.

Apple, de son côté, a réagi en affirmant que sa démarche restait rigoureuse et exemplaire. L’entreprise a rappelé qu’elle investissait massivement dans la réduction directe de ses émissions, via une meilleure efficacité énergétique et un recours accru aux matériaux recyclés. Mais elle a dû reconnaître qu’elle renoncerait à employer le terme « carbone neutre » en Allemagne, préférant se mettre en conformité avec une réglementation européenne qui se durcit. En effet, dès septembre 2026, l’Union européenne interdira explicitement l’utilisation de labels tels que « neutre en carbone » ou « neutre pour le climat » lorsqu’ils reposent principalement sur des compensations incertaines ou mal documentées.

Ce jugement est particulièrement symbolique car Apple n’est pas une entreprise quelconque. Elle est le leader mondial de l’électronique grand public (principalement en termes de chiffre d'affaires, grâce à ses produits emblématiques comme l'iPhone, l'iPad, et l'Apple Watch, ainsi que son écosystème de services intégrés) et l’un des acteurs les plus puissants de l’industrie numérique. Lorsque Cupertino parle d’écologie, l’impact médiatique est colossal. Mais en s’attaquant directement à cette communication, la justice allemande envoie un signal clair : les promesses environnementales des géants de la tech doivent être prouvées, mesurées et garanties sur le long terme. Il ne suffit plus d’afficher un bilan carbone compensé par des projets forestiers exotiques pour convaincre des régulateurs et des consommateurs de plus en plus sceptiques.


L’affaire s’inscrit dans un contexte plus large où la méfiance grandit vis-à-vis du greenwashing

Microsoft, Meta et d’autres multinationales se vantent elles aussi d’atteindre la « neutralité carbone » en s’appuyant sur des mécanismes similaires. Si la jurisprudence allemande fait école, on peut s’attendre à une vague de remises en question dans toute l’Union européenne, et au-delà. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le débat sur l’intégrité des crédits carbone prend une ampleur internationale. Des enquêtes ont récemment montré que nombre de projets de compensation forestière dans le monde ne délivrent pas les réductions promises, soit parce que les arbres meurent, soit parce qu’ils ne remplacent pas réellement les forêts primaires détruites.

Pour l’industrie technologique, ce revers représente un tournant. Les entreprises du numérique ont longtemps cultivé une image d’innovation verte, jouant sur le contraste entre leur dimension immatérielle et l’idée polluante associée aux secteurs traditionnels. Mais la réalité est toute autre : data centers énergivores, chaînes d’approvisionnement mondialisées, obsolescence programmée et production de masse d’appareils connectés pèsent lourdement sur le climat. Dans ce contexte, les promesses de neutralité carbone apparaissent comme une manière de masquer, plutôt que de résoudre, la complexité du problème.

Ce jugement allemand oblige donc à poser la question : que signifie réellement un produit « neutre en carbone » ? Est-ce une neutralité immédiate, prouvée au moment de l’achat ? Ou bien un pari sur des décennies d’investissements forestiers, dont la stabilité reste incertaine ? Pour les consommateurs, la nuance est cruciale. Croire qu’une Apple Watch n’a aucun impact climatique est illusoire, et la justice a tranché : la communication de Cupertino relevait davantage du marketing que de la science.


Apple est poursuivi en justice pour de fausses déclarations sur la neutralité carbone

En 2020, Apple a lancé un plan visant l'atteinte de la neutralité carbone pour sa chaîne d'approvisionnement et ses produits d'ici 2030. Une fois cet objectif atteint, l'entreprise sera totalement à 100 % neutre en carbone, car Apple avait revendiqué que tous ses magasins, bureaux et data centers sont déjà alimentés à 100 % d'électricité renouvelable. Ainsi, chaque appareil vendu à partir de 2030 aura un impact climatique net nul, promet la marque.

Cependant, plus tôt cette année, Apple a été accusée d'avoir trompé les consommateurs en affirmant que tous les nouveaux modèles d'Apple Watch étaient neutres en carbone. Des consommateurs ont intenté une action en justice contre Apple, affirmant que ses derniers wearables ne sont pas neutres en carbone et qu'elle trompe les utilisateurs sur l'impact environnemental en s'appuyant sur des projets de compensation carbone qui ne réduisent pas l'empreinte carbone. Les consommateurs soulignent qu'ils n'auraient pas acheté l'un de ces trois modèles d'Apple Watch (Series 9, SE et Ultra 2) ou qu'ils l'auraient payé moins cher s'ils avaient eu connaissance de ce scénario.

La plainte déposée contre Apple porte sur deux principaux projets de compensation qu'Apple utilise pour renforcer ses efforts de neutralité carbone, à savoir le projet Chyulu Hills au Kenya et le projet Guinan en Chine. L'action en justice affirme que ces deux projets ne répondent pas aux critères de réduction supplémentaire des émissions de carbone, car les terres étaient déjà boisées avant l'arrivée d'Apple.

Un des points de la plainte affirme notamment : « Dans les deux cas, les réductions de carbone auraient eu lieu indépendamment de l'implication d'Apple ou de l'existence des projets. Étant donné que les affirmations d'Apple en matière de neutralité carbone reposent sur l'efficacité et la légitimité de ces projets, elles sont fausses et trompeuses .»

Le plaignant affirme en outre que ces deux sites étaient auparavant protégés depuis plusieurs décennies ou qu'ils étaient naturellement boisés, et que le soutien financier d'Apple n'a pas contribué à réduire les émissions de carbone au-delà du niveau naturel. Apple a lancé l'Apple Watch Series 8 en 2023, qui a été le premier appareil à porter une étiquette neutre en carbone pour soutenir les initiatives de l'entreprise en faveur de l'environnement. Apple a également introduit un label de neutralité carbone avec ses appareils et s'efforce d'améliorer ses efforts à l'avenir.

Ce n'est pas la première fois qu'Apple est accusé de la sorte

En 2022, une étude avait accusé Google, Amazon et Apple d'exagérer leurs actions en faveur du climat, et de se livrer à la pratique du greenwashing. L'étude avait évalué la transparence et l'intégrité des principaux engagements en matière de climat de ces mastodontes. Ainsi, elle révèle qu'Apple, Sony et Vodafone ont une « intégrité modérée » en ce qui concerne leurs actions en faveur du climat, tandis qu'Amazon et Google font preuve d'une « faible intégrité ».

L'étude note notamment qu'"il y a un fossé entre la communication et l'exécution". Il est donc difficile pour les consommateurs de déterminer la vérité. Selon l'étude, les émissions en amont, telles que la consommation d'électricité par les consommateurs utilisant les téléphones, ordinateurs portables et autres appareils Apple, représentent 70 % de l'empreinte climatique d'Apple. Ces émissions seraient souvent négligées par les entreprises dans leur stratégie climatique.

Une autre étude en 2024 avait révélé qu'entre 2020 et 2022, les émissions de gaz à effet de serre des centres de données appartenant à des géants de la technologie comme Google, Microsoft, Meta et Apple étaient environ 662% plus élevées que ce qu’ils ont déclaré officiellement. Selon l'étude, les émissions réelles des centres de données appartenant à Apple sont probablement environ 2,2 fois plus élevées que ce qui est officiellement déclaré.

Une mise en perspective internationale

L’affaire allemande s’inscrit dans un mouvement plus large de remise en question des revendications de neutralité carbone. En France, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a déjà épinglé plusieurs entreprises pour usage abusif de termes comme « climatiquement neutre » ou « écoresponsable », estimant que ces slogans induisaient le public en erreur lorsqu’ils ne reposaient pas sur des preuves solides. Le législateur français travaille d’ailleurs à renforcer l’encadrement des allégations environnementales dans la publicité, en cohérence avec la future directive européenne.

Aux États-Unis, la situation est plus complexe. Les autorités fédérales, comme la Federal Trade Commission (FTC), disposent de lignes directrices dites « Green Guides » pour encadrer la publicité écologique, mais celles-ci datent de plusieurs années et peinent à suivre le rythme du marketing technologique. Apple peut donc encore, sur son marché domestique, revendiquer une neutralité carbone sans que la loi ne vienne immédiatement sanctionner cette communication. Cependant, la pression de l’opinion publique et des ONG environnementales, très actives sur le territoire américain, force déjà plusieurs entreprises à adopter un discours plus nuancé.

En Asie, les pratiques varient fortement selon les pays. La Chine, où Apple assemble la majorité de ses produits, ne dispose pas encore d’un cadre juridique strict en matière de publicité verte. Le gouvernement chinois pousse fortement pour l’électrification et les énergies renouvelables, mais les termes comme « neutre en carbone » sont utilisés librement par les entreprises locales comme internationales. Au Japon ou en Corée du Sud, la réglementation se rapproche davantage des standards européens, avec une exigence croissante de preuves scientifiques pour appuyer les allégations environnementales.

Cette diversité réglementaire met en lumière un paradoxe : une même montre connectée peut être « carbone neutre » dans un pays, mais interdite de l’être dans un autre. Pour les consommateurs comme pour les professionnels du secteur, cela crée une confusion qui mine la crédibilité des discours écologiques. Pour les multinationales comme Apple, cela signifie aussi qu’il devient de plus en plus difficile d’harmoniser une communication globale.

Conclusion

Le cas Apple illustre une tension structurelle dans l’industrie numérique. D’un côté, les entreprises veulent s’aligner sur les attentes sociétales en matière de climat et d’écologie. De l’autre, elles se heurtent à la réalité de leurs chaînes de production mondialisées, de la dépendance aux énergies fossiles et de la consommation massive de ressources. La tentation est grande de masquer ces contradictions à coup de labels et de slogans. Mais les juges allemands rappellent une évidence : la neutralité carbone n’est pas un argument marketing, mais une promesse scientifique et politique, qui engage l’avenir.

L’affaire de l’Apple Watch ne doit pas être vue comme un simple épiphénomène juridique, mais comme une étape dans la redéfinition des standards de communication environnementale. Les juges allemands rappellent aux géants du numérique que la transparence et la durabilité ne peuvent plus être des slogans. Pour Apple, il s’agit d’un revers médiatique, mais aussi d’un avertissement stratégique : pour rester crédible dans son discours écologique, l’entreprise devra aller au-delà de la compensation symbolique et démontrer que ses produits réduisent réellement, dès aujourd’hui, leur empreinte climatique.

Sources : ministère allemand de la Justice, Guide pratique des allégations environnementales (ministère français de l'économie), Green Guides (FTC)

Et vous ?

Une entreprise peut-elle légitimement revendiquer une « neutralité carbone » si celle-ci repose principalement sur des compensations forestières fragiles et temporaires ?

Le rôle des tribunaux est-il de définir la frontière entre communication légitime et greenwashing, ou cela devrait-il relever exclusivement des régulateurs et législateurs ?

La crédibilité environnementale d’Apple et des autres géants de la tech sera-t-elle durablement affectée par ces jugements, ou bien l’attrait de leurs produits primera-t-il toujours sur les questions climatiques aux yeux des consommateurs ?

La neutralité carbone est-elle un objectif atteignable pour l’industrie numérique, ou une illusion qui détourne l’attention d’enjeux plus concrets comme la sobriété énergétique, l’écoconception et la lutte contre l’obsolescence programmée ?
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