Pour éviter d’avoir à payer cette commission sur les inscriptions à son service, le service d’e-mail Hey a supprimé toute possibilité d'inscription de son application qui se résume donc à l'ouverture à un formulaire de connexion, l'utilisateur devant alors se rendre sur le web pour créer son compte.
Pour le moment l'accès est sur invitation uniquement. L'ouverture à tous sera faite courant juillet. Une manière de tester le service à petite échelle, puis de monter progressivement en charge. Vous pouvez essayer le service pendant 14 jours, sans avoir à donner de numéro de carte bancaire. Après quoi, deux possibilités s’offrent à vous. Soit vous quittez le service, auquel cas votre compte n'existera plus sous 90 jours, soit vous payez pour un an, et l'adresse e-mail utilisée « sera la vôtre à tout jamais ». Même en cas de coupure d'abonnement, elle ne sera pas récupérable par un tiers. Une fois cette période écoulée, le service vous coûtera 99 dollars par an (avec 100 Go de stockage).
Après avoir accepté une première version sur l’App Store, l’éditeur d’iOS a décidé de rejeter les mises à jour, selon Heinemeier Hansson, cofondateur et directeur technique de Basecamp qui est l’éditeur de l’application. La raison évoquée est de ne pas avoir inclus une option d'inscription dans l'application elle-même. Plus précisément, Apple a brandi la règle 3.1.1 des guidelines consacrées aux achats intégrés :
« Si vous souhaitez déverrouiller du contenu ou des fonctionnalités supplémentaires de votre application (comme des abonnements, de la monnaie virtuelle dans un jeu, des niveaux de jeu, l’accès à du contenu premium ou le déverrouillage d'une version complète), vous devez utiliser l'achat in-app. Les applications ne peuvent pas utiliser leurs propres mécanismes pour déverrouiller le contenu ou les fonctionnalités, telles que les clés de licence, les marqueurs de réalité augmentée, les codes QR, etc. Les applications et leurs métadonnées peuvent ne pas inclure de boutons, de liens externes ou d'autres appels à l'action qui dirigent les clients vers des mécanismes d'achat autre que l'achat in-app. »
Mais à première vue, Hey n'enfreint pas cette règle. Il ne permet pas aux utilisateurs de s'abonner à l'application. Au lieu de cela, les utilisateurs doivent se rendre sur le site Web de Hey pour s'inscrire via la facturation de Basecamp, comme c'est le cas pour de nombreuses autres applications populaires comme Spotify ou Netflix. Apple autorise ce type d'applications client (où vous ne pouvez pas vous inscrire, mais seulement vous connecter) pour les services aux entreprises, mais pas pour les produits de consommation.
De plus, conformément aux directives d'Apple, Hey n'a pas de lien ni d'appel à l'action dirigeant les utilisateurs vers le dit site Web. C'était naturellement une source de confusion pour l'équipe Hey. Ce qui était encore plus déroutant était le fait que la mise à jour 1.0.1 a été rejetée, mais pas la version 1.0, même si la mise à jour n'a rien changé à ce problème.
Basecamp a corrigé d'autres bogues et a soumis une nouvelle version en espérant observer une amélioration en vain. Puis un responsable de Basecamp a reçu un appel téléphonique d’Apple qui demandait à ce qu’ils s’engagent à ajouter un abonnement à l'application, dans le cas contraire l’application sera supprimée de la boutique. « J'ai été stupéfait du caractère effronté de cette menace », a déclaré Hansson. Le ton est alors très vite monté.
Apple ne change pas d’avis
Phil Schiller, le patron du marketing d'Apple, a expliqué dans un entretien que l'application HEY n'aurait pas dû être approuvée tout court.
« Aujourd’hui, nous n’envisageons aucune entorse à nos règles », a-t-il déclaré. « Il y a beaucoup de choses qu'ils pourraient faire pour que l'application fonctionne selon les règles que nous avons établies. Et nous aimerions qu'ils le fassent. »
Actuellement, les personnes qui téléchargent l'application Hey depuis l’App Store vont constater qu'elle ne fait rien. C'est une application qui vous oblige à vous abonner au service Hey sur le Web avant qu'elle ne devienne utile. « Vous téléchargez l'application et elle ne fonctionne pas, ce n'est pas ce que nous voulons sur notre Store », explique Schiller. C'est pourquoi, dit-il, Apple exige que les achats intégrés offrent la même fonctionnalité d'achat qu'ailleurs.
Et de préciser que cela est contraire aux règles de l'App Store pour la plupart des applications. Les exceptions ici s’appliquent à des applications dites « de contenu », celles-là mêmes qui affichent de la musique, des livres et des films, et des applications qui n'offrent des options de tarification qu’aux entreprises et aux institutions plutôt qu’au grand public. Il y a donc des exceptions pour des applications comme Netflix par exemple, mais « nous n'étendons pas ces exceptions à tous les logiciels ». Et de préciser que « les emails ne sont pas et n’ont jamais été une exception incluse dans cette règle ».
Il a expliqué que Basecamp aurait pu prendre certaines décisions sur la façon de facturer ses clients pour rendre l’application acceptable selon les règles actuelles. Il en a énuméré plusieurs : il a notamment suggéré à Hey d'augmenter ses prix de 30 % sur l'application iOS, ou de mettre en place une version gratuite de son service qui permettrait donc d'avoir une application fonctionnelle sans paiement, puis d'offrir séparément une version premium payante qui ne pourrait être activée que sur le web, mais qui serait fonctionnelle sur l'application iOS.
Pour HEY, Apple reste ferme sur son exigence : l'application doit proposer un achat intégré passant par l'infrastructure de la boutique, et donc par une commission.
La perspective
Le principal problème ici, cependant, n'est pas les règles spécifiques qu'Apple a décrites ci-dessus, mais son historique de les appliquer de manière incohérente. Avant cette année, Apple avait autorisé de nombreuses applications avec des modèles commerciaux similaires à Hey sur l'App Store et il n'était pas nécessaire que ces applications incluent des options d'achat intégrées. La société a également fait des exemptions célèbres pour de grands rivaux, comme Amazon et Netflix, qui ont soit désactivé la possibilité d'acheter des abonnements ou du contenu dans leur application ou ont, dans certains cas, dirigé les utilisateurs vers un navigateur pour ce faire.
La controverse, qui a débuté plus tôt cette semaine avec le lancement officiel de Hey, a soulevé d'importantes questions sur la gestion par Apple de l'App Store et si le fabricant d'iPhone exerce un avantage anticoncurrentiel sur les services concurrents de développeurs tiers par le biais de sa taxe de 30 % et son application incohérente des règles de l'App Store.
Mais Apple fait face à d’autres problèmes :
- Match Group, le parent de Tinder, s'est prononcé cette semaine en disant qu'il n'était pas d'accord avec ses politiques, tout comme le créateur de Fortnite Epic Games.
- Spotify, qui a déposé une plainte qui a contribué au lancement d’une enquête européenne antitrust, a également exprimé clairement son désaccord.
De même, le président des affaires juridiques de Microsoft, Brad Smith, a noté jeudi que de nombreux magasins d'applications d'aujourd'hui exercent beaucoup plus de contrôle que Microsoft avec Windows à l'époque : « Ils imposent des exigences qui disent de plus en plus qu'il n'y a qu'une seule façon d'accéder à notre plateforme et qui est de passer par la porte que nous avons nous-mêmes créée », a regretté Smith lors d'un événement Politico. « Dans certains cas, ils créent un prix très élevé par péage et parfois 30 % doivent passer dans les mains du responsable du péage ».
Source : Protocol
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